Home » Terroir & Gastronomie » « Le terroir ? Oui, mais ouvert au monde ! »
Alimentation

« Le terroir ? Oui, mais ouvert au monde ! »

crédit : Miguel De Groote

La promotion de la gastronomie wallonne ne doit pas occulter la nécessité de rester ouvert aux influences extérieures. Tel est en substance le credo de Sang Hoon Degeimbre, Chef étoilé du restaurant L’air du temps et à l’initiative du collectif de chefs Génération W.

Texte : Philippe Van Lil

À vos yeux, quelles sont les spécificités de la gastronomie et du terroir wallons ?

« On ne peut pas dire que la Wallonie ait une gastronomie bien définie. Elle est surtout axée sur les recettes campagnardes et de terroir. Ce qui la caractérise le plus à mes yeux, c’est qu’à l’exception de produits comme le jambon d’Ardenne, nous avons plutôt des productions de niche, très spécifiques et très ciblées, et non de grosses productions à l’exportation. »

« Autre spécificité : notre capacité d’absorption et d’influence. La Belgique influence en effet énormément d’autres pays, sans jamais faire valoir cette influence de manière excessive. Comme elle est un peu centrale, environnée de pays gros producteurs, elle a aussi ce côté suffisamment humble pour accepter les différences et les influences extérieures. »

Ne sommes-nous pas trop humbles en Belgique ?

« Effectivement ! On fait de très belles choses… mais on s’excuse presque de les faire ! En termes de gastronomie, nous n’avons pourtant pas à pâlir par rapport à la France, à l’Italie, etc. Restons conscients de nos qualités ! »

« J’ai créé notre propre jardin. » crédit : Pieter D’Hoop

D’où le collectif Génération-W que vous avez-vous créé ?

« Mes collègues et moi-même l’avons imaginé comme une caisse de résonance pour faire valoir la Wallonie sur la carte mondiale de la gastronomie. Comme notre gastronomie repose sur des produits de niche qui ne s’exportent pas vraiment, il faut faire venir le consommateur étranger pour qu’il puisse y goûter. Au-delà de ça, cela suppose la transformation d’un produit traditionnel de terroir dans une expression gastronomique plutôt internationale et moderne. »

Quelle approche privilégiez-vous dans votre travail ?

« À l’ouverture du restaurant il y a 22 ans, j’avais déjà une certaine conscience écologique. Je n’avais pas envie d’aller chercher un produit à l’autre bout de la terre. Cela me semblait aussi normal de dynamiser l’économie régionale et les productions locales. J’ai entrepris cette démarche petit à petit, en me fournissant par exemple en viandes animales auprès de producteurs wallons. »

En termes de gastronomie, nous n’avons pas à pâlir par rapport à la France, à l’Italie, etc. Restons conscients de nos qualités !

« J’ai aussi créé notre propre jardin car en Hesbaye, il n’y avait pas vraiment de productions spécifiques, mais plutôt de la production de masse avec de grands champs de blé. Avec ses 5 hectares, nous approvisionnons le restaurant quasiment à 100 %. »

Même en hiver ?

« Le jardin produit des légumes frais, mais pas toute l’année, d’autant plus que comme je n’ai pas envie de chauffer mes serres, nous ne cultivons pas en hiver. En revanche, pour la conservation, je me suis tourné vers des techniques utilisées dans différentes parties du monde. Coréen d’origine, j’ai commencé par aller voir ce qui se faisait en Corée. »

« J’y ai découvert la lacto-fermentation, qui a des vertus indéniables pour la santé. Cette technique est encore peu connue en Belgique, où l’on fait généralement de la stérilisation et de la conservation en pots ou encore, éventuellement, en sel dans les fermes. »

Notez-vous d’autres tendances dans votre secteur d’activité ?

« De nos jours, je constate parfois un certain manque d’ouverture du consommateur à la découverte, à la nouveauté. Il ne faut pas s’enfermer dans le local ; il faut aussi s’ouvrir au monde et à la modernité. En outre, il y a peut-être aussi un excès d’exigence. Il ne se passe plus un service sans qu’on ait des remarques du style ‘j’ai des allergies’, ‘je ne mange pas ça’, etc. »

« Avec l’avènement des émissions de cuisine, certains consommateurs ont aussi parfois l’impression d’en connaître plus que le professionnel ! Le restaurateur doit faire preuve d’ouverture d’esprit… mais le consommateur doit aussi lui emboîter le pas ! »

Next article