À ce jour, près de 50 % des enfants de la pouponnière bruxelloise Notre Abri attendent une place en famille d’accueil. La situation est quasi identique dans tous les établissements d’accueil de l’aide à la jeunesse. Devenir famille d’accueil constitue un acte de solidarité citoyen qui permet à ces enfants de se construire. Le spectacle de danse Ritournelle entend nous y sensibiliser.
Emmanuelle Lamberts
psychologue et metteuse en scène du spectacle
Lucile Echterbille
éducatrice et assistante à la mise en scène
Un refuge pour les petits
L’asbl Notre Abri accueille 64 enfants de 0 à 6 ans, 24h/24 et 365 jours par an. « Pour différentes raisons, ils n’ont pas la possibilité de rester au domicile de leur parents », nous livre Emmanuelle Lamberts, psychologue et metteuse en scène du spectacle. « En leur proposant un refuge dans nos locaux et dans des familles d’accueil, nous leur offrons la chance d’être accompagnés dans leur développement par des adultes qui leur portent toute l’attention dont ils ont besoin. »
Ça fait du bien de parler de ces enfants, de leur donner vie sur scène. C’est pour nous un moyen de provoquer des prises de conscience.
Pas question pour autant de couper les liens avec la famille. « Il ne s’agit pas d’une adoption. Notre association vise à répondre à des situations de crise de manière transitoire et nos équipes effectuent un travail de diagnostic afin d’établir le parcours le plus souhaitable pour leur bien-être à long terme. Cela peut conduire à un retour dans la famille d’origine comme à un départ dans une famille d’accueil. »
Redonner de la visibilité aux enfants
Confrontées au quotidien à cette situation, Emmanuelle Lamberts et Lucile Echterbille, éducatrice et assistante à la mise en scène, ont ressenti le besoin de faire bouger les choses. Elles ont créé le spectacle Ritournelle. La démarche vise avant tout à donner davantage de visibilité au destin si particulier et parfois tragique de ces enfants. « Malheureusement, leur situation reste largement ignorée par le grand public. Ça fait du bien de parler de ces petits, de leur donner vie sur scène. C’est pour nous un moyen de provoquer des prises de conscience. Nous espérons qu’ainsi, les gens auront envie de se mobiliser pour les aider », nous confie Lucile Echterbille.
Sur scène, la troupe de 10 danseuses d’une vingtaine d’années est composée pour moitié de professionnelles et pour moitié de semi-professionnelles. « Elles restituent aussi fidèlement que possible la corporalité et la dynamique propres aux jeunes enfants accueillis par l’association. Ce spectacle sans aucune parole nous fait découvrir la vie d’une petite fille dont la maman est victime de troubles psychiques. On assiste à sa mise en institution, à ses problèmes en milieu scolaire et à son départ en famille d’accueil. C’est bien sûr un parcours de vie poignant », détaille Emmanuelle Lamberts.
Quand l’art reflète la réalité
La remarquable capacité de ces enfants à rebondir face aux épreuves de la vie est l’un des grands thèmes de la pièce. « Cette résilience ne va cependant pas de soi. Elle se forge lors d’un processus de construction psychique », estime Emmanuelle Lamberts. « Sur scène, ce cheminement est symbolisé par des pièces de puzzle. Elles sont jetées sur le sol par la mère de façon chaotique et forment des obstacles instables que la petite fille tente de surmonter. Pour finir, elle parviendra à rassembler les pièces avec l’aide de sa maman d’accueil. »
Sur scène, la troupe de 10 danseuses restitue aussi fidèlement que possible la corporalité et la dynamique propres aux jeunes enfants accueillis par l’association.
Cette œuvre artistique souligne aussi le rôle essentiel des adultes, en premier lieu des travailleurs sociaux, dans le développement de ces enfants. « Ce travail difficile n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur. Les cas de burn-out et le turn-over sont nombreux au sein de ce personnel. Le manque chronique de moyens force les éducateurs à devoir en faire toujours plus, avec une charge mentale très lourde à la clé. »
Impossible pourtant de laisser ces enfants à leur sort. « En période de crise, tout le monde souffre. Toutefois, les personnes les plus fragilisées souffrent encore plus que les autres. C’est dans ces moment-là qu’il faut se montrer encore plus solidaire », conclut Emmanuelle Lamberts.