Construire durable ne se limite pas à privilégier des matériaux biosourcés. Il faut étudier chaque bâtiment dans sa globalité, de sa conception à son démantèlement éventuel. Patrick Truccolo, Directeur de l’entreprise de formation par le travail (EFT) Le Trusquin, nous livre son analyse.
Texte : Philippe Van Lil
Quelle est la spécificité de votre institution ?
Patrick Truccolo : « Nous avons le statut d’asbl avec une mission d’insertion socioprofessionnelle, mais nous sommes agréés en tant qu’entreprise générale de construction. Notre spécialité est de former des gens aux métiers de l’écoconstruction en les envoyant directement sur des chantiers 4 jours par semaine, au sein d’une équipe de 3 ou 4 personnes, sous la direction d’un responsable de section. Le 5e jour est destiné à contextualiser et à rendre lisible la partie théorique de ce que l’apprenant a vécu sur le terrain. »
Cela s’adresse à quel public ?
P. T. : « À toute personne inscrite au Forem. Il s’agit souvent d’un public en décrochage n’ayant pas dépassé le 4e niveau du secondaire inférieur, mais pas toujours. On a parfois des gens disposant d’un diplôme supérieur. La formation compte 2.100 heures, réparties sur 18 mois au maximum, dont 3 mois de stage en entreprise. »
Qu’implique votre démarche d’écoconstruction ?
P. T. : « En premier lieu, le recours, partout où c’est possible, à des matériaux biosourcés, d’origine végétale ou animale. Nous recourons aux ossatures bois, aux flocons de cellulose, à la laine de bois, au liège, à la laine de mouton et aux enduits terre et chaux. Ces matériaux sont utilisés pour les constructions neuves, l’ajout d’annexes de bâtiments existants, la rénovation, l’isolation. Nous construisons également des piscines naturelles et des toitures végétales. Pour des raisons d’empreinte écologique en phase avec notre démarche globale, nous avons choisi de limiter notre zone d’action à un rayon de 50 km autour de Marche-en-Famenne. »
Quels conseils de base donnez-vous en matière de construction durable ?
P. T. : « Chaque bâtiment doit être analysé dans sa globalité. Par exemple, pour isoler un bâti ancien, il faut parfois envisager une rénovation lourde, avec démontage de parois et sols, et reconstruire de manière cohérente. Ce n’est pas tout de maîtriser l’efficience énergétique des matériaux d’isolation. Encore faut-il maîtriser la façon de les intégrer au bâti pour qu’ils soient efficaces dans leur contexte d’insertion et d’utilisation. »
Quels types de pièges éviter encore ?
P. T. : « On peut par exemple constater un problème d’humidité parce que les habitants n’ont pas adopté de bonnes pratiques de ventilation. Autre piège : on donne parfois la priorité à certains travaux faisant l’objet d’une prime et parce qu’un audit énergétique définit une hiérarchie théorique de mise en œuvre, alors que, dans la pratique, la priorisation devrait être différente pour correspondre à une logique de rénovation cohérente. Dans une philosophie écologique, il faut aussi prendre en compte ‘l’énergie grise’ nécessaire à la conception et au démantèlement de certains matériaux. »