Longtemps considérés comme de simples automates, les insectes bousculent aujourd’hui nos certitudes. Les études se succèdent pour démontrer leurs aptitudes à apprendre, mémoriser, transmettre des savoir-faire et même éprouver des états affectifs. Loin de l’héritage cartésien de « l’animal-machine », leurs performances cognitives s’avèrent insoupçonnées.
Après entrainement, des bourdons résolvent des casse-tête, en appuyant sur des boutons dans le bon ordre, afin d’obtenir récompense. D’autres se montrent attentifs, apprennent et imitent leurs congénères expérimentés, améliorant même la séquence de comportement menant à la sucrerie. Les spécialistes sont même parvenu à démontrer la coexistence de plusieurs stratégies au sein d’une population de bourdons, des variantes techniques qui se propagent au sein de différents groupes, ce qui leur fait dire que ces insectes ont de la culture et des traditions.
La mémoire n’est pas en reste : les pollinisateurs sauvages se souviennent de l’odeur, de la forme et des couleurs d’une fleurs. Des fourmis construisent mentalement de véritables cartes visuelles, y intègrent la « valeur » des lieux et ajustent leurs trajectoires en fonction de risques qui y sont associés. Les abeilles se fabriquent de « faux souvenirs » en combinant des éléments de souvenirs distincts — un trait que l’on pensait réservé à des mémoires plus élaborées. Les abeilles maitrisent aussi les mathématiques de base, étant capable de dénombrer jusqu’à 5 éléments, comprendre les notions de « plus petit que » et « plus grand que », et même placer le zéro sur une échelle linéaire de nombre, en dessous de « 1 ».
Récemment, des bourdons ont été surpris à jouer. En l’absence de stress, ils prennent de leur temps pour faire rouler des balles, sans but utilitaire, de manière répétée. Des séances de jeu qui influent ensuite positivement sur leur comportements futurs.
Tous ces résultats, et bien d’autres, posent des questions éthiques : si certains insectes remplissent plusieurs critères de sentience, notre manière de les exploiter — y compris en élevage — mérite examen. Ils invitent aussi à réévaluer l’usage des pesticides dont les effets sur l’apprentissage, la mémoire et autres capacités cognitives sont démontrés depuis deux décennies.