À l’heure où notre déco se calque sur nos photos « pinnées » sur les réseaux sociaux, manquons-nous de créativité ? Et si on osait mêler l’antique et le contemporain, et nous réapproprier nos intérieurs ? Rencontre inspirante avec Aurore Morisse, antiquaire passionnée et acheteuse dans l’émission Affaire conclue.
Photo : Éric Mathieu
Antiquaire
Quel est le rôle de l’antiquaire ?
Aurore Morisse : « Le rôle d’un antiquaire, c’est de partager du beau, de pérenniser un patrimoine, de transmettre un savoir-faire. Mais aussi de proposer des objets insolites, des objets de designers du 21e siècle. L’antiquaire aujourd’hui a un peu perdu de son charme. On a tendance à l’associer à l’élitisme, à des objets un peu obsolètes et beaucoup trop chers. Je préfère parler de marchand d’art. Ce que j’aime avec mon métier, c’est aussi le contact avec le client. À l’heure où tout se trouve en ligne, je trouve important de revenir à une approche humaine, de partage, d’échange. Le marchand d’art est aussi là pour guider le client, lui donner de bons conseils ! »
Comment se fait-il que le vintage soit super tendance, mais pas forcément l’ameublement d’antiquité?
A. M. : « Je pense que nous sommes à l’aube d’une transition, et que les gens se cherchent encore un peu. Du coup, notre période est pleine de contradictions : à la fois on veut manger des légumes bio, voyager beaucoup avec un bilan carbone moindre, arrêter d’acheter des bouteilles d’eau en plastique, … Mais on continue à acheter des baskets dernier cri, ou le dernier iPhone. Pour l’esprit de récup’, c’est pareil : il sert à montrer une bonne image, à s’insérer dans un groupe social. Tout le monde cherche à imiter les mêmes images trouvées sur Pinterest ou Instagram.
À l’heure où tout se trouve en ligne, je trouve important de revenir à une approche humaine, de partage, d’échange.
Il existe aussi un malentendu entre ce qu’on peut trouver chez un marchand d’art et ce qui tient de l’upcycling, comme chercher des palettes en bois dans une boutique d’antiquité. La démarche du DIY aussi peut être risquée. Réutiliser c’est bien, mais on finit souvent par acheter de la déco industrielle pour la customiser, ce qui a moins de sens. »
Et puis l’antique aussi, c’est de la récup !
A. M. : « Oui, on est en plein dans une économie circulaire, dans une logique de pérennisation de matières nobles, qui durent dans le temps. Ce que propose un antiquaire, c’est vraiment de la qualité, des pièces uniques qui ont une vraie valeur. Et puis, l’objet d’antiquité apporte de l’âme à une pièce, il a une histoire. Et ce n’est pas forcément cher ! On peut trouver de belles commodes anciennes pour 200 €. Finalement, à vouloir ce que tout le monde veut (telle table de telle marque, telles chaises), on le paye cher. Celui qui se distingue et a son propre style paye beaucoup moins cher. »
Comment se réapproprier les objets d’antiquité ?
A. M. : « Il ne faut pas hésiter à sortir des sentiers battus, à tester des choses. Si vous avez un doute, vous pouvez toujours vous tourner vers le marchand d’art, il pourra vous conseiller. Je pense que les gens n’osent pas suffisamment être créatifs sur leur décoration, oser des choses qui leur sont propre. On cherche à imiter. Or vouloir reproduire à l’identique ce qu’on a vu sur une photo, ça ne fonctionne pas forcément chez soi. »
Comment twister l’antique pour l’intégrer à notre déco ?
« La tendance, c’est de sortir le meuble ancien de son contexte. Plutôt que de l’associer à la vieille déco de Mamie, on l’installe dans une pièce aux murs blancs, sous un beau miroir doré, avec une chaise ultra contemporaine. Il ne faut pas hésiter à prendre des risques. Par exemple, j’ai une cliente qui a récupéré la commode de sa grand-mère et a installé une vasque à l’intérieur, pour sa salle de bain. Elle économise ainsi pas loin de 1.000 €, et elle ajoute une pièce de caractère à sa maison. Dénicher des antiquités, ça ne coûte pas forcément cher. On peut aller dans les brocantes, les magasins de seconde main ou chez un antiquaire et trouver de bonnes affaires ! »