Inspirations, coups de gueule et pointe de nostalgie : le comédien et réalisateur Patrick Ridremont nous dépeint sa vision de la culture belge, avec humour et finesse.
Photos: Jonas Roosens
Quel est votre rapport à la culture actuelle ?
Patrick Ridremont : « J’avoue que j’en arrive, à 55 ans, à préférer ce qui date d’un peu avant. J’ai toujours trouvé que l’évolution de la culture en Belgique allait dans un très bon sens, j’ai longtemps suivi le mouvement. Mais là depuis trois ou quatre ans, j’ai un peu lâché l’affaire. Je me surprends parfois à faire preuve d’un peu de nostalgie (rires). Je n’ai jamais supporté le ‘c’était mieux avant’. Mais en ce moment, je me dis souvent que c’était mieux juste avant : pas il y a longtemps, mais il y a dix ans par exemple. Je pense que c’est normal, c’est juste une question de public-cible, de génération. »
Que recherchez-vous dans la culture ?
P. R : « Ce que je cherche dans la culture aujourd’hui, c’est surtout son aspect divertissant. J’aime qu’on me guide, qu’un théâtre me propose une saison de sept spectacles sans me laisser un choix infini, par exemple. Je préfère quand la culture aborde des thèmes universels plutôt qu’elle ne devienne une usine à gaz qui cherche à traiter tous les sujets. »
On parle beaucoup des grands succès belges du moment comme Stromae et Angèle. Que vous inspirent-ils ?
P. R : « En tant qu’artiste, je trouve qu’on est un trop petit pays pour se tirer dans les pattes. Il y a un mal belge qui consiste à brûler nos icônes : dès qu’un artiste vend des tickets ou devient vraiment célèbre, il se fait fustiger – par les Belges eux-mêmes ! Je porte un grand amour à notre culture. Je trouve formidable que des Stromae, Angèle, existent. C’est tellement compliqué de s’en sortir en tant qu’artiste belge que, par automatisme, je les soutiens. »
Pensez-vous que la Belgique est suffisamment fière de ses talents ?
P. R : « Petit à petit, je pense qu’on se rend compte du nombre de talents qui existe sur notre territoire, oui. Dans le milieu du cinéma, la Belgique compte d’excellents réalisateurs, monteurs, ainsi que tous les métiers techniques. On n’a vraiment rien à envier à nos voisins français et même anglo-saxons. Et malgré tout, nous avons gardé un esprit de dérision que le monde entier nous envie. Et ça, c’est formidable ! On voit apparaître des séries belges – comme ‘Baraki’ – qui connaissent un succès international, et qui le méritent. Il faut maintenant que les derniers maillons de cette chaine fonctionnent : distributeurs, exploitants… Il est temps d’oser faire de l’argent avec notre talent ! En Belgique, il existe encore un complexe à se vendre… C’est dommage. »
Il y a un mal belge qui consiste à brûler nos icônes : dès qu’un artiste vend des tickets ou devient vraiment célèbre, il se fait fustiger.
Comment percevez-vous le milieu du cinéma en Belgique ?
P. R : « Le milieu du cinéma belge est à mon sens assez bienveillant. Tout le monde semble s’apprécier mais ces relations peuvent rester souvent informelles et stériles. J’ai dû attendre d’avoir 50 ans pour qu’un producteur belge me propose enfin de tourner dans une série belge (Unité 42). C’est plus facile avec la France : j’ai par exemple eu un casting cet après-midi avec une réalisatrice française. Elle m’a vu dans un fi lm et souhaite me rencontrer. En tant que réalisateur par contre, je ne me suis pas senti lésé en Belgique : les deux films que j’ai réalisés ont été soutenus, par mes producteurs, et par la Fédération Wallonie Bruxelles. Je me sens reconnaissant de faire partie de cette culture belge, et fier. Mais je suis parfois jaloux de voir la facilité avec laquelle on pourrait exercer notre métier en France. C’est cet esprit-là qu’il faudrait importer. Cesser de voir la culture comme un privilège, accepter de la considérer de manière plus ambitieuse, lucrative. »
Vos coups de cœur belges du moment ?
P. R : « Jérôme Colin a écrit plusieurs livres, que je n’ai jamais lus. C’est un peu comme si je m’en empêchais, parce que nos rapports n’ont pas toujours été simples. Aujourd’hui, j’ai décidé de mettre ces ressentiments de côté. J’entends tellement de bien de son dernier livre ‘Les Dragons’, que je me suis juré de n’aller voir aucun film, pièce de théâtre ou concert tant que je ne l’avais pas lu (rires). »