Il y a une décennie encore, rares étaient les humoristes de sexe féminin. Heureusement, quelques pionnières du rire se sont battues pour obtenir une scène plus représentative de la société. Parmi elles, Nawell Madani. Grâce à son travail acharné, la réalisatrice, actrice et humoriste belge a réussi à s’imposer comme une figure incontournable de la scène française.
Texte : Laura Swysen – Photos : Ahmed Bahhodh
Être une femme dans le milieu artistique et médiatique : qu’est-ce que ça change ?
«Être une femme implique toujours de devoir prouver sa légitimité et ce, peu importe le milieu. Dans le monde des arts, vous devez travailler et redoubler d’efforts afin d’affirmer votre statut. Si vous vous donnez à fond, si vous montrez au public que vous méritez la place que vous occupez, alors vous gagnerez leur respect. Et c’est ce respect qui, selon moi, définit le succès. »
Danseuse, humoriste, comédienne et réalisatrice : vous avez enfilé plusieurs casquettes. Avez-vous ressenti des différences entre ces milieux en tant que femme?
«Non, pas spécialement. Je pense que c’est pareil dans tous les milieux que ce soit au cinéma, au ministère ou à la police : on vit toutes la même chose. Les débats restent identiques, on prône le même combat et l’on fait face aux mêmes remarques, peu importe le poste que l’on occupe. »
Vous considérez-vous comme féministe?
«Je ne me sens pas fondamentalement féministe mais je rêve d’une société où les femmes n’auront pas à lutter pour obtenir ce qu’elles veulent et où les hommes ne se sentiront pas amoindris par la réussite des femmes. La nouvelle génération a tout compris. Les jeunes filles d’aujourd’hui ont tiré des leçons du passé. Elles savent pertinemment que la liberté va de pair avec une autonomie financière et intellectuelle. »
Participez-vous à des mouvements pour le droit des femmes ou l’égalité des genres?
«Je ne suis pas vraiment sur le terrain, mais je suis sur mon terrain. Je pense que tout le monde peut lutter à son niveau. Par exemple, je suis la première femme d’origine maghrébine à monter sur scène en Algérie. J’ai montré l’exemple : aujourd’hui les femmes algériennes se disent que c’est possible. J’agis à travers mes œuvres, c’est mon mouvement à moi. »
Combien de fois n’ai-je pas entendu que « les femmes ne font pas rire » ? Pourquoi l’homme serait-il le seul à détenir le rire comme arme de séduction ?
Dans une interview, vous disiez avoir essuyé de nombreuses vannes de la part de vos homologues parce que vous étiez une femme. Cela vous a motivé à aller plus loin ?
«Bien sûr, ces blagues m’ont boostée. Mais elles ne venaient pas uniquement de mes confrères, j’ai également essuyé de nombreuses critiques de la part du public. Combien de fois n’ai-je pas entendu que « les femmes ne font pas rire »… Ce fut difficile mais cela m’a poussée à redoubler d’efforts afin d’arracher cette étiquette qui colle tant aux femmes. »
« Pourquoi l’homme serait-il le seul à détenir le rire comme arme de séduction ? On entend souvent qu’une telle blague est vulgaire dans la bouche d’une femme, mais vous n’entendrez jamais ce genre de propos vis-à-vis d’un homme. En tant que femme, nous sommes toujours sur le fil du rasoir et c’est cette gymnastique qui est éreintante. »
D’après vous, d’où vient ce cliché ?
« Depuis la nuit des temps, la femme se doit d’être discrète. Si elle rit fort, si elle attire l’attention, on dit qu’elle est vulgaire ou qu’elle en fait des caisses. Une femme belle doit, d’après les clichés, être classe et cela passe forcément par la discrétion. »
Selon vous, peut-on allier maternité et vie professionnelle?
« Selon moi, la question des enfants et du boulot est un faux débat. Certains boulots ne laissent aucune place au reste. Ce sont davantage ces emplois qui sont difficiles à concilier avec la vie de famille, pas le fait d’avoir des enfants. »
Que vous réserve la suite?
« Plusieurs projets sont en cours ! J’écris actuellement une série ainsi que mon prochain spectacle. Je travaille également sur mon prochain film que je viens de terminer. Un film que je réalise et dans lequel je joue. »
Vous ne pouvez pas nous en dire plus ?
« Non, c’est encore top secret, mais je vous en dirai plus lors d’une prochaine interview sans doute ! »
