En ce moment, quand il n’est pas aux fourneaux à Maison Nouvelle, Philippe Etchebest crève l’écran dans les émissions Cauchemar en cuisine ou Top Chef. Une vie à du mille à l’heure que le Chef savoure tout en songeant doucement à lever le pied. Rencontre.
Texte : Maria-Laetitia Mattern
Comment vivez-vous la cinquantaine ?
Philippe Etchebest : « Le problème, c’est que je ne vois pas de changement : je continue à vivre au même rythme, et mon épouse me dit qu’un jour la nature m’arrêtera (Rires). En fait, je ne pense pas du tout à mon âge, ça ne me tracasse pas. Au contraire, je trouve intéressant d’avoir plus de recul, plus d’expérience. Par contre, il est vrai que j’ai toujours eu un esprit de compétition envers moi-même, qui me pousse à me surpasser sans cesse. Et parfois, je dois y faire attention : passé la cinquantaine, le physique a parfois du mal à suivre. Ce que je faisais il y a vingt ans, je ne peux plus le faire maintenant ! (Rires). Je ne me suis jamais ménagé, j’ai toujours eu le goût de l’effort prononcé, au-delà de mes limites parfois. Aujourd’hui, je pense qu’il est important que je commence doucement à poser mes limites, à m’écouter. Même si c’est malgré moi, le passage de la cinquantaine me fait prendre conscience de tout ça. »
Je ne me suis jamais ménagé, j’ai toujours eu le goût de l’effort prononcé, au-delà de mes limites parfois. Aujourd’hui, je pense qu’il est important que je commence doucement à poser mes limites.
Votre manière de cuisiner a-t-elle évoluée avec le temps ?
P.E. : « Bien sûr, entre le début de ma carrière et aujourd’hui, ma manière de travailler a énormément évolué, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, parce que j’ai acquis de l’expérience, mais aussi grâce aux rencontres que j’ai faites : mes collaborateurs, d’autres cuisiniers qui m’ont amenés une vision différente des choses. En cuisine comme ailleurs, on se nourrit de tout ce qui nous entoure. Avec le temps, je me suis aussi assagi, j’ai épuré, élagué ma technique, tout en gardant mon style.
En cuisine comme ailleurs, on se nourrit de tout ce qui nous entoure. Avec le temps, je me suis aussi assagi, j’ai épuré, élagué ma technique, tout en gardant mon style.
Mon dada pour le moment, c’est de revisiter des plats traditionnels en version végétale. Par exemple, j’ai récemment préparé une nouvelle recette en réinterprétant l’entrecôte bordelaise à base de choux : chou pointu, chou vert, chou-rave et chou rouge. J’en fais un gratin avec du miso. Dans la texture, cela rappelle l’entrecôte. J’accompagne ce gratin d’une sauce bordelaise également 100 % végétale, à base de vin rouge et de jus de chou rouge réduit. L’effet marche super bien : visuellement, elle ressemble exactement à une sauce bordelaise, et son goût prononcé surprend. C’est ce que j’aime en cuisine : réinventer, surprendre, prendre le contre-pied. »
Vous sentez-vous plus libre aujourd’hui qu’avant ?
P.E. : « Oui, certainement, même si je me suis toujours senti libre dans la pratique de mon métier – et ce, même quand je travaillais pour quelqu’un. Mais malgré tout, je sens que l’expérience amène la confiance, qui amène la liberté. »
Quels sont les projets qui vous tiennent le plus à cœur en ce moment ?
P.E. : « En ce moment, je suis vraiment focus sur l’ouverture de mon nouvel établissement, Maison Nouvelle, à Bordeaux, où je travaille avec mes collaborateurs et mes équipes. L’ouverture a eu lieu en décembre dernier, c’est donc très récent. Il s’agit d’un projet que je mène avec mon épouse, et que j’ai en tête depuis très longtemps. Je projetais un lieu idéal, qui me semblait un peu improbable et inaccessible. Jusqu’à ce que, il y a quatre ans, une opportunité vienne à moi. J’ai foncé. La pandémie a un peu ralenti la mise en place de ce projet, mais finalement, cela m’a permis de le faire mûrir pour l’aboutir au mieux. Aujourd’hui, je m’y investis à fond ! »
En ce moment, je m’investis à fond sur l’ouverture de mon nouvel établissement, Maison Nouvelle, à Bordeaux, un projet que je mène avec mon épouse.
Au vu de votre expérience, que conseilleriez-vous à un jeune cuisinier qui se lance ?
P.E. : « De rester soi-même et de se faire plaisir, dans son travail, dans sa vie. Si on n’a pas cette notion de plaisir pour soi-même, on ne peut pas faire plaisir aux autres. En cuisine, on entend souvent qu’il faut faire plaisir au client, qu’on est là pour ça. C’est vrai, mais avant tout : il faut se faire plaisir à soi-même ! C’est le seul moyen de réussir, d’avancer, de transmettre. Et puis, bien sûr, il faut travailler : si on ne le travaille pas, le talent ne sert à rien. Mais quand on aime ce que l’on fait, le travail découle plus naturellement, sans avoir à forcer. »